Faire une critique positive au travail : Et si en management, le plus était l’ami du mieux ?

Faire une critique positive au travail : Et si en management, le plus était l’ami du mieux ?

 
Le cercle Les Échos: La critique est aisée, mais l’art est difficile. Prenons cet aphorisme pour nous interroger sur la manière actuelle de faire une critique positive. Dans le cadre d’un management moderne qui s’inscrit aujourd’hui dans une logique humaniste où l’art de manager s’apparente de plus en plus à la capacité d’animer, motiver et donner envie à ses équipes, faire une remarque positive prend tout son sens.
Voici la version longue d’une de nos tribunes parue sur le site internet des Echos. lesEchos

 

La critique est aisée, mais l’art est difficile

Nous pourrions reprendre cet aphorisme qui daterait du XVIIIe siècle pour nous interroger sur la manière actuelle de faire une critique positive au travail. Dans le cadre d’un management moderne qui s’inscrit aujourd’hui dans une logique humaniste où l’art de manager s’apparente de plus en plus à la capacité d’animer, motiver et donner envie à ses équipes bien plus que d’ordonner et imposer une directive, faire une remarque positive prend tout son sens…

Faire une critique positive, constructive ne pourrait-elle pas être un art en soi ?

La différence entre une critique constructive et une critique malveillante ? « La première est celle que vous faites aux autres. La seconde est celle qu’ils vous font ». Mais si nous cherchions un peu plus loin que cette boutade à la Sacha Guitry ?

Aujourd’hui, le mot critique est connoté péjorativement. Pourtant, critique vient du latin criticus, issu du grec ancien kritikos (« capable de discernement »). Avoir un esprit critique c’est donc faire preuve de jugement et de perspicacité, avoir une certaine clairvoyance des faits. Être critique c’est avoir l’exigence de ne pas s’en tenir à l’apparence, c’est exercer sa faculté de jugement, c’est s’interroger sur le bien-fondé des affirmations, des attitudes, et passer au crible ce qui est donné comme état de fait. Ce qui semble primer de nos jours en matière de management c’est la manière d’exprimer, de partager cette critique.

Nous rencontrons souvent  en coaching de manager, des managers qui considèrent ne pas arriver à faire comprendre aux membres de leur équipe qu’ils n’ont rien contre eux personnellement, mais que ce sont certains résultats qui posent problème. Il est courant de rencontrer en entreprise une distorsion entre comment le manager perçoit son équipe et la façon dont l’équipe se croit perçue. 

Nous croisons de nombreux managers qui, dans une posture encore ancienne du management, pensent que toute erreur, toute action imparfaitement réalisée par un de ses collaborateurs, nécessite de mettre en avant, de donner un écho important à ce qui ne convient pas, à ce qui doit être amélioré… Sans pour autant centrer une partie du débriefing sur les points positifs de l’action du collaborateur. Disons le tout net : cette façon de faire est une erreur « psychologique » courante et source de démotivation des collaborateurs et des équipes !

Heureusement, l’art de faire une critique positive au travail est facilement accessible.

Les approches modernes du management considèrent que ce comportement « naturel » de la part d’environ 50 % des managers selon certaines études est préjudiciable à une bonne motivation au travail, une bonne gestion des équipes et donc in fine sur leurs performances.

Comment critiquer de façon positive et renforcer votre rôle de manager ?

faire une critique positive au travail

Il existe une façon de critiquer qui invite chacun à s’améliorer, qui n’entame pas l’estime qu’il a de lui-même et n’entame en rien la fonction de management. Et en regardant plus en détail, est-il si difficile de voir aussi les points positifs d’une action d’un collaborateur ?
Nous allons voir les étapes essentielles à l’élaboration d’une critique positive et constructive : Comment faire une critique positive au travail !

1) Soyez bienveillant

La façon dont va être perçue votre critique est déterminée par les raisons qui vous poussent à la faire. Il faut que vous ayez envie d’aider le destinataire de votre feedback à s’améliorer. Ne pensez pas d’abord à « sanctionner » le manquement de votre collaborateur.

Assurez-vous également d’être la bonne personne, d’avoir l’autorité et le statut vous permettant d’effectuer une critique, dans le cas contraire elle ne sera pas entendue ou mal vécue.

2) Tout est dans la présentation, tout est affaire d’emballage

Souvenez-vous lorsque vous receviez vos cadeaux d’anniversaire ou de Noël dans de beaux paquets bien agencés… pensez-vous que vous auriez eu autant de plaisir à les découvrir s’ils avaient été emballés dans des sacs en plastique de supermarchés ? Les études les plus récentes dans le domaine des neurosciences et du marketing montrent que l’emballage à de l’importance.

Un même vin n’aura pas le même gout selon qu’il sera servi dans une bouteille de grand cru classé ou dans une bouteille en plastique, et pourtant c’est le même vin. Il en va de même pour la critique. Prenez le temps de l’enrober, délivrez votre critique avec bienveillance dans des termes choisis pour leur connotation favorable. Il s’agit de faire preuve de finesse, de tact et d’élégance. Une critique c’est comme un médicament, pour avaler la pilule c’est toujours mieux d’avoir un verre d’eau sucrée, pensez-y.
 
3) Soyez le plus objectif possible. N’utilisez pas le canal émotionnel

Il est préférable de retirer toute émotion du dialogue (en analyse transactionnelle, il s’agirait d’une transaction de l’état du moi Adulte à l’état du moi Adulte).

Essayez d’être le plus neutre possible aussi bien dans vos messages verbaux que non verbaux. Souvenez-vous que la communication courante comporte trois éléments : le sens des mots, l’intonation (tonalité dans laquelle on prononce ces mots et qui va les colorer affectivement), la gestuelle ou communication non verbale (c’est-à-dire l’ensemble des expressions du visage, des gestes, des postures, des déplacements). Le sens des mots compte pour 7 %, l’intonation pour 38 % et la gestuelle pour 55 %. Si vous êtes dans l’émotion, cela transparaitra dans votre langage, dans votre intonation, dans votre attitude et vos gestes.

Pensez donc à vous détendre avant de donner votre critique. Soyez chaleureux, votre comportement et votre attitude ne doivent pas être agressifs, mais bienveillants. Il est important que votre interlocuteur sente votre empathie afin qu’il se sente plus à l’aise et moins menacé ; sinon il se « fermera ».

4) Choisissez le bon moment et le bon endroit

Même avec les meilleures intentions du monde, si vous critiquez un de vos collaborateurs sur la place publique il y a de grandes chances pour qu’il se sente humilié et qu’il nourrisse par la suite du ressentiment à votre égard. Privilégiez un endroit calme avec un minimum d’intimité permettant d’instaurer un climat de confiance.

5) Ne vous en prenez jamais ni à la personnalité ni au physique de votre interlocuteur

Vos critiques doivent porter sur des faits, sur le travail effectué, sur ce qui est de votre ressort. Sa vie privée ne vous concerne pas et il ne s’agit pas de faire son procès.

6) Essayez la méthode Sandwich

Il s’agit là d’enrober votre critique. Débutez la conversation par un compliment, une marque d’attention, puis ensuite amenez gentiment la critique en des termes acceptables et terminez l’échange en changeant de sujet, en parlant de quelque chose de plus positif… Ce n’est pas de la manipulation, mais savoir faire preuve de tact et de bienveillance. Ne vous inquiétez pas votre critique n’en sera pas pour autant oubliée.

7) Soyez honnête et clair

Ne tergiversez pas, évitez la langue de bois, évitez de paraître confus ou flou cela ne peut que perturber votre interlocuteur. Il s’agit de dire la vérité aussi clairement que possible. Puisque maintenant vous avez préparé le terrain, votre interlocuteur est tout disposé à vous entendre.

Soyez précis dans vos remarques. Dire : « Vous avez travaillé dur, mais ce dossier est incomplet, revoyez ça ! » ne va pas beaucoup aider votre collègue. Commencez par reconnaître ses efforts, montrez-lui que vous avez pris en considération le travail qu’il a fourni, détaillez avec lui les points forts de son travail, puis seulement ensuite dites explicitement et avec précision les points d’amélioration que vous envisagez.

8) Sollicitez l’intellect de votre interlocuteur

Ne lui donnez pas votre solution, faites-lui part du problème par le biais d’une critique positive et ensuite demandez-lui de trouver des solutions. Il n’en sera que plus efficace lors de la mise en œuvre des solutions qu’il aura trouvées par lui-même. L’idéal serait qu’à la fin de votre entretien, vos remarques deviennent les siennes, que votre interlocuteur abonde dans votre sens et reconnaisse les axes d’amélioration évoquée ensemble. 

9) Servez-vous du passé comme levier dans le présent, mais ne ruminez pas

Il ne sert à rien de ressasser des erreurs déjà commises et auxquels personne ne peut rien changer, cela mine le moral de tout le monde. Il faut certes apprendre de ses erreurs, mais non mouliner dans le vide. Si vous pensez qu’il est nécessaire de faire appel à des erreurs commises, assurez-vous qu’elles soient pertinentes dans le contexte actuel, qu’elles servent au présent. Il ne s’agit pas de faire la liste de ce qui aurait dû être fait, puisque personne ne peut rien y changer. L’exemple des erreurs passées doit juste vous servir de rappel, de clignotant, c’est un panneau : Attention, rappelez-vous ! Mais si vous vous appesantissez dessus l’énergie de l’équipe se dissoudra et la rancune engendrera des conflits.

10) Soyez attentif, n’en dites pas trop à la fois

Adaptez-vous à votre interlocuteur, ne débitez pas tout ce que vous avez à lui dire, faites vos remarques une par une dans l’ordre que vous avez élaboré préalablement. Quand vous sentez que c’est assez, faites une pause ou arrêtez vous. Il n’est pas bon de trop en dire d’un seul coup. Il faut opérer par petites touches. Il faut s’assurer que l’interlocuteur est disposé et apte à entendre la critique afin de s’améliorer.

11) Insistez sur les progrès

Faites part du chemin parcouru plus que du chemin à parcourir. C’est dans le progrès réalisé que se situe l’énergie nécessaire à la progression. Au contraire, une vision centrée uniquement sur l’objectif final, parfois éloigné, ne peut que décourager.

En conclusion, la critique positive n’est pas une simple technique « que l’on sort » pour résoudre un problème. C’est une méthode qui met en œuvre un ensemble d’attitudes de base qui devrait faire partie de « l’équipement émotionnel » du manager moderne : vouloir aider, vouloir écouter, avoir confiance dans les capacités de l’autre, accepter les différences…

Sans ces attitudes la méthode paraîtra fausse, vide, mécanique et peu sincère et atteindra rarement son but. La critique positive est donc une discipline complexe à pratiquer, mais les efforts que l’on déploie pour parvenir à la maitriser sont récompensés au centuple par l’ampleur des changements obtenus. Cela tant dans le domaine de la communication au sein de l’entreprise que dans celui des performances réalisées par ses employés, sans oublier que pour le manager c’est une magnifique opportunité de développer ses compétences managériales.


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